Pour M. Bah, « l'état de crise en Guinée est loin d'être terminé »

Siradiou Bah est un homme de conviction et de liberté : il n'a pas vingt ans, en 1969, quand il a fui la dictature du président Sékou Touré en Guinée, trouvant refuge au Mali puis au Sénégal. En 1984, il entre à l'institution Saint-Jude à Armentières où il oeuvre en faveur de « l'ouverture de l'institution à l'universel », où il a créé l'association « Partage des savoirs Guinée-France » en 2005. Il craint aujourd'hui encore pour le peuple guinéen... "Le président-général Lansana Conté a dirigé d'une main de fer la Guinée pendant 24 ans. «  Il est tombé gravement malade il y a quatre à cinq ans et n'a pas gouverné pendant ce temps-là, laissant la place à une formation de clans qui se sont entre-déchirés pour s'accaparer du pouvoir, pour confisquer des richesses aux dépens du pays et de la population

  Siradiou Bah, enseignant à Saint-Jude, est un homme de conviction épris de liberté.


Début 2007, la Guinée a vécu une crise majeure. Une grève générale illimitée est organisée dans tout le pays, dénonçant « une gestion chaotique de l'État » et « le pillage systématique de l'économie nationale ». «  Tout le peuple a suivi ! ébranlant par là même le pouvoir de Lansana Conté ». Sa réponse a été d'envoyer l'armée sur les manifestants. Trois cents morts ont été dénombrés. Mais devant la détermination de la population, le président malade a accepté de dissoudre le gouvernement en place et s'est plié aux revendications populaires : un nouveau Premier Ministre est choisi sur une liste de cinq personnalités proposées par les syndicats guinéens. Il s'appelle Lansana Kouyaté. Fin mars, le gouvernement est enfin constitué. Tous les ministres sont issus de la société civile. Le gouvernement aura notamment la lourde tâche de remettre sur pied l'économie ravagée du pays et de restaurer l'unité nationale. «  Les Guinéens ont cru alors à la fin du règne de Lansana Conté. C'était mal le connaître, lui et ses compagnons. Tout a été fait pour saboter l'action de ce gouvernement de consensus. Le président a voulu gagner du temps en bloquant, entre autres, la structure administrative. » Et le gouvernement de consensus n'a pas réussi à mettre en place la moindre mesure, pas même le début d'un état de droit. « Le gouvernement de l'espoir a échoué. » «  En février 2008, le Premier Ministre a osé s'opposer ouvertement à ce que faisait Lansana Conté ». Les signes de dissension entre le Premier ministre et le président guinéen se multiplient. En mai, Lansana Kouyaté est limogé et remplacé par Ahmed Tidiane Souaré, un proche du président. «  C'est de nouveau un gouvernement de façade. La situation économique et sociale s'aggrave. » En juin, le Président accorde des concessions aux militaires qui se révoltaient et réclamaient des impayés depuis 1996. Ceux-ci retirent alors l'une de leurs plus radicales demandes : le limogeage des principaux généraux de l'armée soupçonnés de mauvaise gestion et de corruption. En novembre, la population manifeste contre la cherté du carburant. Le 23 décembre, le président Lansana Conté meurt. Il a 74 ans. La junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara a pris le pouvoir lors d'un putsch sans effusion de sang quelques heures seulement après l'annonce du décès. Dadis crée dans la foulée le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). «  Mais ils sont inexpérimentés, et surtout, ils se targuent de poursuivre l'oeuvre du président défunt et de protéger sa famille. Ce qui va aggraver la situation. L'espoir des Guinéens, c'est la liberté, c'est l'instauration d'un état de droit qui puisse garantir la démocratie ! » Des partis politiques se sont réunis autour du CNDD pour organiser des élections avant la fin 2009. Ils réclament un gouvernement de transition et l'organisation d'élections (libres et crédibles). Les législatives d'abord, puis les présidentielles. «  Les militaires n'ont rien dit encore. Mais ce sont des amateurs. L'état de crise est encore là et risque d'y rester un bon moment. » 

Et là, M. Bah a des rides."