Les défis de Siradiou Bah, enseignant assoiffé d'égalité et de justice sociale

Membre fondateur de la Maison des droits de l'homme, Siradiou Bah, habitant de Villeneuve-d'Ascq depuis plus de 30 ans et professeur à Saint-Jude de 1983 à juin dernier, met la dernière main à un grand projet qui devrait voir le jour cette année : le « Centre de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des droits ». "La lutte pour l'égalité, Siradiou est tombé dedans tout jeune. Depuis qu'il a dû fuir la dictature de Sékou Touré de sa Guinée natale. Après des études de français au Sénégal, il a gagné la France dans les années 70 pour faire de l'économie. « Je me souviendrai toujours du souffle de liberté que j'ai ressenti en arrivant ici », confie-t-il, un brin nostalgique. regrettant aussitôt la mauvaise utilisation de ce formidable outil : la liberté d'expression ! Face à la passivité de beaucoup de ses camarades, l'étudiant n'eut de cesse, à Lille 3, de les bousculer, de les inviter à s'engager. « Au restaurant universitaire, on nous servait des oranges provenant des plantations blanches d'Afrique du sud, en plein Apartheid. Je me suis placé un jour au début de la file et j'ai demandé aux étudiants de boycotter ce dessert : et on a gagné, on n'a plus revu ces oranges ! » Devenu professeur, Siradiou, véritablement assoiffé de contact, d'action militante, s'implique en parallèle dans de nombreuses associations de Villeneuve-d'Ascq, où il a toujours vécu, où il s'est marié et où il a élevé ses trois enfants.

M. Bah s'est replongé dans ses dossiers après son retour de vacances.


Il préside ainsi l'ASSAF (Action scolaire et sanitaire pour l'Afrique francophone). Mais ça n'est pas tout, loin de là. « J'ai rédigé les statuts du centre social du Centre ville, que j'ai vice-présidé dans les années 80, puis je suis parti habiter dans le quartier de la Poste. Élu au bureau du centre social Corneille, j'ai accompagné le travail des associations qui se lançaient à cette époque, comme ""Quoi de neuf docteur ?"" ou Avance... Puis ce fut la création de la MDH Nelson Mandela, c'est important ce nom ! » Une grande affaire que ce collectif original, « le seul au nord de Paris », qu'il a présidé de 1996 à 1998.

Toujours membre du bureau, le professeur n'y ménage pas son temps au service des habitants, tout en leur demandant de s'impliquer. « C'est ça la participation citoyenne. Pas faire à la place des gens mais avec ! » Aider les personnes à se loger, à trouver du travail, à résoudre leurs problèmes administratifs... Le travail ne manque pas à la MDH. « À tel point que le bénévolat, même avec l'aide précieuse de la mairie, ne suffisait plus. À un moment donné, après une petite période de flottement, il a fallu changer les statuts. Avec la nomination d'un directeur, mettant en pratique les actions définies au sein d'un comité de pilotage composé des représentants des associations partenaires, nous sommes plus efficaces maintenant... » Siradiou rend hommage à ce sujet à la directrice de la MDH, Christine Hette, partie à la retraite quasiment en même temps que lui, début juillet. Le nouveau directeur devrait prendre ses fonctions dans les prochains jours et mettre au point, avec toute l'équipe, le projet de Centre de lutte contre les discriminations. Une idée lancée il y a quelques années et qui trouve sa pleine justification, selon M. Bah, avec les événements actuels. « La France doit rester la patrie des droits de l'homme, des valeurs républicaines. Nous avons des inquiétudes concernant les Roms, les gens du voyage. Quand je vois des enfants mendier à tous les carrefours de la ville, mon sang de professeur ne fait qu'un tour. Quel avenir pour eux sans l'école ? La mendicité est avilissante pour l'homme mais la répression n'est pas la solution. Il faut d'abord faire respecter pour tous le droit au logement, stabiliser les familles par le travail, donner aux enfants des repères positifs, lutter contre l'absentéisme à l'école, aider les parents... La tâche est immense ! »"