Des enseignants de l’Institution Saint-Jude d’Armentières lancent une pétition en soutien à un collègue

La semaine dernière, une pétition a été mise en ligne par un collectif d’enseignants du collège et du lycée Saint-Jude. Elle interpelle directement Valérie Cabuil, rectrice de l’académie de Lille, et Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, pour que Dominique Carlier, un de leur collègues, garde son poste actuel à la rentrée.

« C’est choquant, c’est un traumatisme collectif. » Ces mots forts sont ceux de Philippe Szykulla, Marie-Anne Morel, Bernard Marquette et Farhat Ben Hassen, respectivement professeurs d’éducation musicale (aussi délégué syndical du collège et représentant académique des maîtres), de français et de technologie au collège Saint-Jude.

Après avoir monté un collectif d’enseignants de l’Institution – ils revendiquent 140 membres – tous ont décidé, la semaine dernière, de lancer une pétition en ligne pour soutenir Dominique Carlier, un collègue en reconversion et en formation, qui enseigne la technologie au collège depuis deux ans. À la rentrée, il ne sera pas gardé dans l’établissement, ni reconnu comme étant professeur de technologie. D’où la pétition lancée, « sans animosité vis-à-vis de l’administration », à l’attention de la rectrice de l’académie de Lille et du ministre de l’Éducation nationale. « On garde l’espoir qu’elle soit prise en compte pour que son dossier soit revu. On va la leur envoyer avant le 21 août (date à laquelle seront traités les dernières affectations et les cas mal réglés). Notre chef d’établissement a appelé l’administration pour trouver une solution. On n’aura sûrement pas de professeur de technologie à la rentrée pour le remplacer. » La pétition avait recueilli, ce mardi, 205 signatures.

"En septembre, si la décision reste inchangée, il devra réintégrer ses anciennes fonctions, mais cette fois à 1 h 30 de chez lui."

Dominique Carlier était auparavant professeur en génie électrique dans un lycée professionnel et avait été obligé de se reconvertir en raison d’une baisse du nombre d’élèves dans sa filière. « J’ai perdu mon poste il y a deux ans. J’ai pris l’initiative de me tourner vers la technologie, même si, en parallèle, l’administration incitait à se reconvertir pour retrouver un poste », explique-t-il. Des heures au collège Saint-Jude pour se former et valider sa reconversion lui ont été proposées. « Je suis redevenu stagiaire après vingt-sept ans d’enseignement. J’ai remplacé un départ en retraite. » Il dit avoir connu des moments compliqués à ses débuts. « Pour me sentir à l’aise dans mon travail et légitime, il m’a fallu un an. »

En septembre, si la décision reste inchangée, il devra réintégrer ses anciennes fonctions, mais cette fois à une heure et demie de trajet de chez lui. Un poste qui pourrait ne pas être pérenne dans les années à venir, ce qui l’obligerait à se reconvertir à nouveau. À cause de la distance, la situation semble ingérable pour cet homme de 53 ans, père de quatre enfants, qui a fait le choix de travailler à temps partiel dès la naissance de son premier pour s’en occuper.

Contacté, le rectorat n’a pas donné suite à notre demande.

Pour signer la pétition : sur change.org. (« Demandons le maintien de Dominique C., enseignant en Technologie, sur son poste actuel ! »)

 Des questions pour l’instant sans réponses

« J’ai eu une première inspection en novembre 2017 et j’ai eu une visite-conseil en octobre 2018, développe Domique Carlier. J’ai écouté tous les conseils et je m’y suis plié. » Sa dernière inspection remonte au 14 juin. « J’ai appris officieusement en mai que les inspecteurs ne le validaient pas dans sa reconversion. Moi et Vincent Delerue, le chef d’établissement, on a demandé que des inspecteurs repassent en juin. Le 19 juin, lors d’une commission d’affectation, j’ai su de manière orale qu’il n’était définitivement pas validé, explique Philippe Szykulla, professeur d’éducation musicale au collège Saint-Jude, aussi délégué syndical du collège. Pour nous, les inspecteurs n’ont pas pu prendre en compte tous les paramètres, notamment son grand investissement dans l’établissement et son rayonnement auprès des élèves dont nous sommes les témoins journaliers. »

Dominique Carlier n’a toujours pas reçu son rapport. « Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas validé dans la formation. Le 21 juin, j’ai eu ma lettre de réaffectation pour Roubaix. Si j’avais eu la décision plus tôt, j’aurais pu postuler à 10 km de chez moi, car une place était à prendre... »

« Un professeur légitime »

« Cela faisait trente ans qu’on n’avait pas fait une pétition à Saint-Jude. C’est injuste car on a vu sa progression. Il est devenu un professeur légitime qui s’est vite intégré à nous. Il est un élément central et moteur de projets », clament les enseignants qui le soutiennent. Pour preuve, dès son arrivée, il n’a pas hésité à prendre sur son temps libre pour s’investir dans l’établissement. I l a participé à la création d’un club de jardinage qu’il anime et qui, aux dires de ses collègues, « marche bien ». Il a été un « élément moteur » pour le réaménagement des salles de technologie. Avec d’autres collègues, il a pensé les plans et a participé aux travaux. Et porté, détaillent les enseignants, des projets interdisciplinaires tel qu’un EPI (enseignement pratique interdisciplinaire) sur le thème de la sécurité routière. « J’étais en train de préparer avec d’autres les Handipiades et un bassin d’aquaponie. Pour ce dernier, j’avais déjà du matériel », ajoute Dominique Carlier. Ses projets risquent de tomber à l’eau.