Une région née en 2016 mais vieille de… 700 000 ans !

Christian Defebvre : « Il faut qu’on ait conscience de notre nouvelle appartenance. »

Christian Defebvre, ancien professeur d'histoire à l'Institution Saint-Jude, a écrit « Les Hauts-de-France, des origines à nos jours », le premier ouvrage qui retrace l’histoire de cette grande région, née le 1er janvier 2016.

– N’y a-t-il pas quelque chose d’artificiel à raconter l’histoire des Hauts-de-France, une région constituée l’an passé à la faveur d’un nouveau découpage administratif ?

 

Que ce soit dans le Nord, le Pas-de-Calais ou la Picardie, nous avons été soumis dans l’ensemble au même contexte historique. Cela n’a pas toujours été le cas naturellement, nous avons pu avoir d’autres cheminements. Le rêve bourguignon, par exemple, était de créer un État entre le royaume de France et l’empire germanique. À cette époque-là (XVe siècle), effectivement notre destin n’était pas commun. Mais globalement, nous avons une histoire analogue et ce dès la préhistoire, avec les mêmes souffrances dans l’épreuve des guerres et – à des degrés divers – nous avons connu l’évolution du monde rural, la révolution industrielle, la croissance, les Trente Glorieuses, la crise, la recherche de nouvelles voies de développement.

– Comment êtes-vous venu à écrire l’histoire commune d’une région qui s’étend de la frontière belge aux portes de l’Île de France ?

Mon intérêt pour l’éducation civique y est naturellement pour quelque chose. Je voulais que nous prenions conscience des enjeux qui se jouent. L’avenir, à l’échelle européenne, passe par les grandes régions. Il faut qu’on ait conscience de notre nouvelle appartenance.

 

« Les Picards méconnaissent les Nordistes ; les Nordistes ont peu conscience des réalités de l’Aisne ou de l’Oise »

Nous sommes une région bien lotie, une région jeune, pour bien jouer cette partition, nous devons être portés par un même élan, dans le respect de toutes les identités, de toutes nos richesses. Les Picards méconnaissent les Nordistes ; les Nordistes ont peu conscience des réalités de l’Aisne ou de l’Oise : nous devons apprendre à nous connaître. Ce récit permet à chaque composant d’être reconnu dans son passé et dans ses réalités actuelles. L’ouvrage présente également les personnages et les célébrités qui ont marqué notre histoire ; il parle à notre mémoire collective (les manufactures de glaces à Saint-Gobain, le chocolat Delespaul à Lille, les mines de charbon).

– Le professeur que vous avez été, l’auteur de livres scolaires et pédagogiques que vous êtes, a fait de cet ouvrage un livre didactique s’appuyant largement sur l’illustration.

Effectivement, j’ai réalisé un important travail de recherche iconographique. Je présente par exemple Le Départ des Poilus peint par Albert Herter. Le peintre américain, qui a perdu son fils engagé volontaire, restitue à la fois l’enthousiasme et l’émotion de ceux qui partent sur le front. Ce tableau peu connu parle pourtant à tout le monde. Alors, parallèlement à l’histoire événementielle, les illustrations appuient le récit pour évoquer nos croyances, notre tradition, nos pratiques culturelles, faisant des allusions à la chanson, aux fêtes populaires ou à la gastronomie.

Les Hauts-de-France, des origines à nos jours, aux Éditions La Voix, par Christian Defebvre. 152 pages. 19,90 €.


Courte bio

Né à Morbecque en 1947, Christian Defebvre est agrégé d’histoire-géographie. Il a soutenu sa thèse de doctorat en sciences de l’éducation sur les mentalités induites par les manuels scolaires. Auteur de manuels d’histoire-géographie chez Hachette Éducation, il devient correcteur puis directeur de collection du cahier du citoyen chez le même éditeur, à l’époque où Jean-Pierre Chevènement introduit l’éducation civique dans les programmes scolaires.

Spécialiste de l’histoire comparée des religions, il coordonne le premier manuel d’histoire des religions en Europe, publié chez Hachette Éducation en 1999. Il est l’auteur d’une collection de livrets pédagogiques (Sagesses et religions du monde) chez Bayard. Il est également formateur à l’École de professeurs de Lille et à l’IUFM Nord-Pas-de-Calais. Élu maire de La Gorgue de 2001 (il le restera jusqu’en 2008), il quitte alors l’Éducation nationale. Depuis, il se consacre à l’écriture d’ouvrages. En 2013, il publie Le Nord-Pas-de-Calais des origines à nos jours et en 2015, un itinéraire sur les villes fortifiées du Nord-Pas-deCalais.